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L’INVITÉ
CHRISTIAN SAPET
Le goût des choses
A taste for beautiful things
and will surprise new.” Epicurean and daring, the antiquarian also ventured into the realm of restoration at 21, rue du Plaisir, still in Saint-Ouen, in March 2015. A brief attempt
which brought him back to his first love, as he’s thinking of devoting
this new site to American lamps from the 1940s to the 1970s –one of his favourites. He brings back massive Hollywood paraphernalia
from fairs all around Los Angeles. Ever since he discovered the West Coast when decorating Tod’s shops, he revels in driving around L.A.
He enjoys its excessiveness,
a decorative approach less shared on this side of the pond and of which he has become the ambassador.
First steps into bargain hunting
Although he buys a lot of merchandise in the US, Christian Sapet’s favourite turf remains Saint-Ouen. His finds are available
at the Garage (rue des Rosiers) and atL’Usine,andareregularlyrenewed: Pucci armchairs from the 1970s,
an astonishing cabin kitchen, a desk from the 1940s, an array of carpets
and paintings... Previously known for its export sales of goods ranging from LouisXVto1900,L’Usinehasbecome the kingdom of original pieces.
In the course of these past ten years, dealers have become more specialised. It is common for them to exhibit here imposing pieces which do not fit in their Parisian galleries. Christian Sapet marvels at Mallet-Stevens’s seats, a
Le Corbusier lounge chair, an original Mies van der Rohe armchair or a Bocca sofa – inspired by actress Mae West lips–, more destined to collectors and museums. Iconic pieces he spots at
a glance, or that he asks to learn more about, such as an imposing wooden contemporary art sculpture. “This
is a minimalist sculpture by Mark Brusse, it a Donald Judd before Donald Judd”, he smiles. Even though these museum pieces reach too high
a price for him to pay, the antiquarian rejoices himself: “This is a fabulous job, where you learn every day,
even as you grow old.”
The Jules Vallès market welcomes him every weekend to complete his hunt for “astonishing and fantastical stuff ”, such as a bust embroidered by textile sculptor Anne-Valerie Dupond. He also comes back with nostalgia to the Paul-Bert market, where he had his first shop. Led by an ever alert sense
of curiosity, Christian Sapet can go
on the hunt for XVIIIth century pieces or a design object, or succumb to
an Italian chandelier from the 1940s
in golden metal and crystal, headed to one of his decorating sites in Lebanon. “It is hard for me not to buy”, he admits. He seems indeed magnetized by the stalls and stops cold in front
of two Alexis de la Falaise shelves, which he swiftly acquires, ending the deal with a “I am glad, thank you for your trust”. Perhaps it is his manner
of straightforwardly expressing
his enthusiasm and loyalty which keeps him looking young. Nearly apologizing, he assures he enjoys
this job with such passion and that, lifted by his quests and encounters,
he forgets to grow old. Here might
be the secret: to be surrounded
with and live for these objects of another time, and therefore grow solid roots to contemplate the future ...
SES TROIS ADRESSES À SAINT-OUEN L’Usine, stand 1 Le Garage, rue des Rosiers
HIS THREE ADRESSES. IN SAINT-OUEN. L’Usine, stall 1. Le Garage, rue des Rosiers.
et l’authenticité des objets comme
par celles des marchands, il poursuit : « Je sais ce que je n’aime pas, jamais ce que j’aime. Ce qui me séduit, c’est ce que je vais découvrir et n’ai pas encore vu, ce qui va me surprendre. »
Épicurien et audacieux, l’antiquaire s’est aussi essayé à la restauration au 21, rue du Plaisir, toujours à Saint-Ouen,
en mars 2015. Une aventure brève,
qui l’a ramené, en ce début d’année, à ses premières amours, puisqu’il envisage
de consacrer ce nouveau lieu aux lampes américaines des années 40 à 70. Une de ses marottes. Il rapporte ces mastodontes hollywoodiens des foires qui essaiment
à Los Angeles le week-end. Depuis
qu’il a découvert l’Ouest américain
pour avoir décoré les boutiques Todd’s, c’est avec exaltation qu’il parcourt l’immense cité. Il apprécie son sens
de la démesure, un parti décoratif moins courant de ce côté-ci de l’Atlantique
et dont il s’est fait l’ambassadeur.
À l’école de la chine
S’il achète beaucoup de marchandises aux États-Unis, le terrain de jeu préféré de Christian Sapet reste Saint-Ouen. On retrouve ses propositions au Garage (rue desRosiers)etàL’Usine,oùilorchestre une mise en scène changeante au gré de ses locations : fauteuils Pucci années 70, étonnante cuisine cabine, bureau années 40, multiples tapis et tableaux... Jadis connue pour ses ventes à l’export, allant deLouisXVà1900,L’Usineestdevenue
le royaume des pièces originales. Depuis dix ans, les marchands se sont spécialisés. Il n’est pas rare qu’ils exposent dans
ce vaste hangar d’encombrantes pièces, difficiles à présenter dans leurs galeries parisiennes. Christian Sapet s’émerveille devant des sièges Mallet-Stevens, une chaise longue Le Corbusier, un fauteuil original Mies van der Rohe ou un canapé Bocca – inspiré par les lèvres de l’actrice Mae West –, plutôt destinés à des collectionneurs ou à des musées. Des pièces iconiques qu’il reconnaît d’un coup d’œil ou dont il se fait raconter l’histoire, comme celle de cette imposante sculpture d’art contemporain cubique en bois.
« C’est une pièce minimaliste de Mark Brusse, c’est du Donald Judd avant
Donald Judd », sourit le marchand. Même si ces pièces muséales atteignent des prix trop élevés pour rejoindre son sérail, l’antiquaire se réjouit : « C’est
un métier fabuleux, où l’on apprend tous les jours, même en vieillissant. »
Le marché Jules Vallès reçoit sa visite chaque week-end pour parfaire sa chasse aux « trucs surprenants et fantaisistes », comme ce buste de tissu brodé par
le sculpteur textile, Anne-Valérie Dupond. Il retrouve aussi avec nostalgie le marché Paul Bert qui a accueilli sa première boutique. Mû par une curiosité toujours en alerte, Christian Sapet peut se mettre en quête d’une pièce de design comme de pièces XVIIIe, ou succomber à un lustre italien années 40, en métal doré et cristal,
qui rejoindra l’un de ses chantiers au Liban. « J’ai du mal à ne pas acheter », reconnaît-il. De fait, il semble comme happé par les étalages et tombe, cette fois, en arrêt devant deux étagères Alexis de la Falaise, dont il mène rondement
la transaction, conclue par un « Je suis content, merci de votre confiance ». Peut-être est-ce cette manière, sans détour, d’exprimer son enthousiasme et sa fidélité qui lui conserve son air juvénile. S’excusant presque, il assure vivre ce métier avec tant de passion qu’il en oublie de vieillir, porté par ses quêtes et ses rencontres. Le secret est sans doute là : côtoyer et vivre pour ces objets d’une autre époque, et s’offrir ainsi de solides racines pour envisager l’avenir...
E
sa barbe blanche. Bien que discret, le décorateur et antiquaire ne passe jamais inaperçu quand il sillonne les Puces.
Les marchands hèlent celui qu’ils surnomment “le parrain” ; un serrement de main, ici, une embrassade, là, et un mot pour chacun rythment sa progression danslesalléeslumineusesdeL’Usine.
S’il a son propre stand au n° 1 de cet entrepôt dédié aux professionnels, il n’oublie pas qu’il a été, un jour, un novice de la chine. Le souvenir de sa première fois reste d’ailleurs intact : c’était en 1966, il avait 15 ans et accompagnait sa mère qui avait rendez-vous avec une amie.
Une révélation. Séduit par l’atmosphère, il vint ensuite passer tous ses samedis et dimanches aux Puces : « J’étais aimanté. C’est un univers qui peut vite fasciner les adolescents pour son côté passéiste. À cet âge, on cherche à s’ancrer
quelque part, on ne vient pas ici par hasard. J’étais attiré par le lieu et son atmosphère, le foisonnement, la gaieté, les personnages...
plus que par les objets. »
Décorateur pionnier
Difficile d’imaginer les premiers déballages sur le trottoir de cet autodidacte dont les boutiques sont désormais le repère des décorateurs
de cinéma, mais aussi de personnalités ou de particuliers qui s’en remettent à son œil averti. Lorsqu’il aborde un stand, Christian Sapet repère tout de suite
les nouveautés, les meubles, les tableaux qui feront mouche, et questionne systématiquement sur leur provenance, leur histoire avant de demander leur prix. Un regard aiguisé qu’il emploie à enrichir son stock consacré à la location pour des films de cinéma, mais aussi à ses chantiers de décoration. Ses confrères lui reconnaissent volontiers un talent de pionnier et un solide sens du commerce. « Beaucoup de marchands suivent
le mouvement, j’aime L’Usine pour ses précurseurs, on y sent les choses », explique-t-il. Guidé par la sincérité
n ce matin d’hiver, Christian Sapet affronte le froid, impassible, bonnet vissé sur la tête, écharpe nouée sous
« CE QUI ME SÉDUIT,
C’EST CE QUE JE VAIS DÉCOUVRIR
ET N’AI PAS ENCORE VU, CE QUI VA ME SURPRENDRE »
“I AM ATTRACTED BY WHAT I AM ABOUT TO DISCOVER AND HAVE NOT SEEN YET, AND WHAT WILL SURPRISE ME”
E
wrapped under his white beard.
In spite of his discretion, the decorator and antiquarian never goes unnoticed when meandering through the Puces. Dealers hail the one they call “the godfather”;ashewalksalongL’Usine’s bright aisles, he gives a handshake here, a hug there, and has a word for everyone. Now owner of a stall in this warehouse dedicated to professionals, he never forgets he was, one day,
a novice at bargain hunting.
The souvenir of his first visit is still intact: in 1966, he was 15 years old and was tagging along his mother who was meeting a friend. A revelation. Struck by the atmosphere, he then spent his weekends at the Puces. In a hushed voice, he reveals: “I was under a spell. This universe can easily fascinate teenagers with its backward- looking spirit. At this age, one is looking for roots, one does not just wander here. I was attracted by the
arly on a winter morning, Christian Sapet stoically fights the cold, a knit hat on his head, a scarf
site and its atmosphere, the hustle and bustle, the cheerfulness, the characters... more than by the objects.”
Decoration pioneer
It is hard to imagine this autodidact unpacking on the pavement, as today his shops are landmarks for movie
set decorators, personalities and individuals who trust his expert eye. When checking a stall, Christian Sapet immediately spots novelties, striking furniture, unusual paintings, and always asks about their provenance, their history, before asking for their price. Thanks to his sharp look, he fills his stock available to rent for the movie industry, as well as for his decorative projects. His peers concede to his pioneering talent and his strong sense of commerce. “A lot of dealers go withtheflow,IlikeL’Usinefor
its forerunners, one can feel things there”, he explains. Guided by the objects’ authenticity and the dealers’ sincerity, he adds: “I know what
I don’t like, never what I like.
I am attracted by what I am about to discover and have not yet seen,
Texte :
Élodie Fournier Photographies : Alain Jacoby-Koaly


































































































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